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Les documents d’urbanismes : des fabriques à délinquants
Communiqué de l’ANGVC
jeudi 15 novembre 2012
communiqué de l’ANGVC
UNE ENQUETE REVELE UNE DISCRIMINATION IGNOREE : LA CARAVANE NON GRATA
L’Etat, indifférent, cautionne la discrimination liée à ce mode d’habitat
Une personne dont l’habitat mobile constitue le mode d’habitat traditionnel ou permanent se met systématiquement en infraction lorsqu’elle installe son habitat sur son terrain ! Tel est le constat opéré par l’Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques (ANGVC) qui publie les résultats d’une enquête, menée entre mars et juin 2012 auprès de 34 320 communes de France, dénonçant la situation d’illégalité d’une très large majorité de communes qui interdisent l’installation des résidences mobiles, habitat permanent de leur utilisateur, sur tout leur territoire. L’association affirme en conséquence que le document d’urbanisme applicable dans ces communes est automatiquement générateur de faits de délinquance !
C’est pourquoi, l’ANGVC demande au gouvernement de modifier le code de l’urbanisme afin d’imposer la prise en compte effective de ce mode d’habitat dans les documents d’urbanisme au même titre que l’habitat individuel, collectif ou de loisir. Cette demande entend mieux encadrer le respect de la mixité sociale et de la diversité de l’habitat préconisées par les textes et s’inscrit également dans une démarche visant à promouvoir le développement de terrains familiaux et les projets d’habitat adapté pour les familles vivant en résidence mobile.
Devant l’ampleur d’un phénomène où l’Etat a « laissé passer » un document d’urbanisme douteux et en devient le garant, l’association exige qu’une plus grande rigueur soit portée à cet égard sur le contrôle de légalité des documents d’urbanisme des communes. Elle estime qu’une telle négligence reflète une indifférence coupable, voire une marque de discrimination, envers les familles ayant adopté un mode d’habitat mobile qui se voient, au nom de ces mêmes documents d’urbanisme, poursuivies par les collectivités pour des infractions aux règles d’occupation des sols ou à l’urbanisme.
L’ANGVC regrette également une conception de l’Etat qui consiste à se défausser systématiquement sur le recours éventuel aux procédures contentieuses, toujours longues et onéreuses pour les particuliers, plutôt qu’à s’engager dans une démarche pédagogique et de conseil auprès des collectivités, conformément à sa mission de service public. L’association rejoint les critiques sévères formulées par la Cour des comptes il y a quelques jours, à l’égard des services de l’Etat sur le pilotage des politiques publiques concernant l’accueil et l’accompagnement des Gens du voyage.
L’enquête réalisée en 2012 corrobore les conclusions de deux précédentes enquêtes menées en 2009 et 2010 par l’ANGVC, qui avaient mis en lumière, par des informations fournies alors par les préfectures, une forte présomption d’interdiction du mode d’habitat mobile sur le territoire et la passivité des services de l’Etat.
Contacts : Monsieur Christophe SAUVÉ, le Président - 06 03 33 58 63
Monsieur Marc BEZIAT, le Délégué Général - 01 82 02 60 13 / 06 15 73 65 40
L’HABITAT MOBILE PERMANENT DE LEUR UTILISATEUR RELEVE D’UN REGIME SYSTEMATIQUE D’EXCLUSION
A la suite de la publication en 2006 de l’étude de la Fondation Abbé Pierre, « Les difficultés d’habitat et de logement des gens du voyage »,
l’Association Nationale des Gens du Voyage Catholiques (ANGVC) a pris plus amplement conscience des enjeux de l’occupation des sols et du
droit de l’urbanisme dans sa stratégie d’appui à l’accès aux droits des Gens du Voyage.
C’est ainsi qu’en 2009 elle a lancé une première enquête, auprès de l’ensemble des 95 préfectures du territoire métropolitain, visant à recenser les collectivités qui, dans leur département, opéraient une interdiction générale et absolue de l’installation de caravanes isolées, habitat permanent de leur utilisateur, dans leurs documents d’urbanisme. Les résultats obtenus alors (http://www.angvc.fr/pages/rapports.html) laissaient entendre que
de telles interdictions existaient de façon extrêmement significative, mais rares cependant furent les services de l’Etat à les dénoncer.
En 2010, partant de ce premier constat, l’ANGVC a cherché à connaitre la qualité de l’information délivrée par les services de l’Etat dans leur
accompagnement des collectivités, au titre des « personnes publiques associées », ainsi que le niveau du contrôle de légalité opéré sur les
documents d’urbanisme approuvés. Là encore, à l’exception d’un ou deux départements (la Meuse par ex.), l’ANGVC a pu conclure à une
indifférence coupable des services de l’Etat à la fois quant à l’information délivrée dans les « porter à connaissance » mais aussi quant au
contrôle de légalité des documents d’urbanisme qu’ils sont sensés exercer en vertu de leur mission.
Le questionnaire de cette nouvelle enquête 2012 a été élaboré à partir d’un patient travail d’investigation mené par l’un des délégués de
l’ANGVC dans l’Oise depuis fin 2010 tant auprès des communes du département qui se sont engagées dans une procédure d’élaboration d’un
plan local d’urbanisme (PLU) qu’auprès des services de la Direction départementale des territoires (DDT). Chaque fois, cela représente une
soixantaine de communes en 2011, l’ANGVC a demandé de quelle manière la commune entendait à cette occasion prendre en compte
l’installation ou l’ancrage de familles habitant en caravane sur leur territoire et a alerté les services de la DDT sur une illégalité supposée du
document d’urbanisme. Le plus souvent, à quelques exceptions près, l’association et son délégué se sont heurtés au mieux à une
« gesticulation épistolaire » de leurs interlocuteurs afin d’éviter de répondre aux questions soulevées (élus, délégations territoriales,
commissaires-enquêteurs, préfet, ...etc.). Il nous a donc semblé indispensable de s’inspirer de la méthode d’investigation initiée dans l’Oise, en
l’allégeant par un questionnement unique adressé directement aux élus, et de l’étendre à l’ensemble des communes du territoire métropolitain,
afin d’obtenir des informations fiables.
En procédant par une démarche directe auprès des intéressés, il est devenu envisageable de dresser un état des lieux à valeur statistique de la prise
en compte d’un mode d’habitat par les communes.
Une première satisfaction réside dans le nombre de réponses obtenues : 1630, soit près de 5% de la cible. C’est important et cela constitue un
« échantillon » qu’on peut qualifier de sérieux pour établir une analyse. Il est à noter que beaucoup des questionnaires ont été renseignés
directement par les élus eux-mêmes.
Ce sont majoritairement les communes ayant une population inférieure à 1 000 habitants qui ont répondu à l’enquête alors que 182 communes de
+ 5 000 habitants, dont seulement 11 collectivités de + 50 000 hab., l’ont fait. Dans 8 régions sur 22, plus d’une centaine de communes ont
répondu à l’enquête.
Ajoutons qu’au total, 241 collectivités indiquent avoir une obligation d’accueil inscrite dans le schéma d’accueil des gens du voyage de leur
département et que 589 admettent connaitre des installations de caravanes de plus de trois mois.
Par ailleurs, si on considère que 343 communes ont un terrain de camping (privé ou municipal), que 104 admettent le caravanning à la ferme et
62 ont un terrain accueillant un habitat léger de loisir (elles peuvent admettre une ou plusieurs de ces options), ces situations, bien que ne relevant
usuellement pas de l’habitat permanent de leur utilisateur, excluent toute notion d’interdiction générale et absolue sur ces territoires.
Cependant, 89 communes (soit un taux de 5% env. des réponses), indiquent autoriser sur leur territoire le stationnement isolé des caravanes dans
leurs documents d’urbanisme, dont 46 sur l’aire d’accueil aménagée.
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Les constats issus de l’enquête de 2012 confirment en tous points ceux des deux enquêtes précédentes de l’ANGVC : il existe bien, en France,
dans une proportion inacceptable et insoupçonnée, des interdictions générales et absolues d’installation d’une résidence mobile, habitat
permanent de leur utilisateur, inscrites dans les documents d’urbanisme des communes.
Une telle proportion de réponses négatives reçues montre également que le contrôle de légalité des documents d’urbanisme par les services
de l’Etat ne fait jamais l’objet d’une vigilance suffisante sur le respect des principes fondateurs du droit de l’urbanisme. Cette négligence
reflète une indifférence coupable, voire une discrimination, envers les familles ayant adopté un mode d’habitat mobile qui se voient, au nom de
ces mêmes documents d’urbanisme « douteux », poursuivies par les collectivités pour des infractions aux règles d’occupation des sols ou à
l’urbanisme. Cette posture de l’administration engage la responsabilité de l’Etat qui n’accorde pas la rigueur suffisante contre ces pratiques
discriminatoires en « laissant passer » un document d’urbanisme porteur d’une inégalité de traitement et en devient de fait complice !
Une lecture de ces résultats nous conduit à affirmer en corollaire qu’aujourd’hui une personne dont l’habitat mobile constitue le mode
d’habitat traditionnel ou permanent se met systématiquement en infraction lorsqu’elle installe son habitat sur son terrain. Autrement dit
le document d’urbanisme applicable dans le plus grand nombre de communes est automatiquement générateur de faits de délinquance !
Voir en ligne : Le site de l’ANGVC