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pourquoi HALEM ?

jeudi 13 janvier 2022

La ville contemporaine est la descendante directe d’une vision du XIXème siècle, hygiéniste, policière, normative. Nous vivons toujours sous le signe des grands travaux et du quadrillage de l’espace et des individus. Ces politiques ont le double effet de produire tout en le marginalisant un mode de vie différent, un mode de ville autre. Aussi étrangères l’une à l’autre que l’huile et l’eau, ces deux façons d’habiter ne sont pas solubles.

contexte et origine des migrations

La "vulnérabilité de masse" se développe. Depuis trente ans, le plein emploi a fui, tandis que s’imposaient un chômage élevé, le développement d’un salariat précaire aux temps morcelés et la nécessité de se déplacer pour suivre l’emploi. Les salaires sont bas en début de carrière tandis que les licenciements ciblent les "vieux". Les charges fixes augmentent : énergie, logement, taxes directes et indirectes. Les normes dévorent l’énergie, stigmatisant les pauvres. Le manque de visibilité sur leurs moyens d’existence pousse un nombre croissant de personnes seules, de familles, de collectifs à se loger à moindre coût. Selon leur choix politique, leur parcours personnel, leur héritage culturel, ou la cruelle nécessité, les gens sont conduits à faire l’expérience d’habiter autrement, ils se "re-déterminent", se repositionnent sur l’échiquier spatial d’une nouvelle lutte des classes.

dans les interstices, les irréguliers

Ils se glissent dans les interstices délaissés par les dévorateurs du foncier : programmes urbains et agriculture intensive. Là, ils s’établissent, construisant leurs lieux de vie sous des formes libérées des conventions. Groupés ou isolés, ils demeurent néanmoins sous le regard de la loi et les règles, normes, régulations pèsent lourdement sur eux. Pour être spontanée, leur installation n’est pas fortuite pour autant. Elle répond à la satisfaction de besoins fondamentaux d’existence. Selon les cas, elle correspond à un besoin en logement, à un besoin de mobilité, à des modes de vie individuels ou familiaux. Elle révèle aussi des envies de se déprendre de la lourdeur des techniques, de vivre légèrement en consommant différemment dans le souci de l’environnement.

des enclaves comme des îlots de pensée, d’impensé

Cette dérive hors de la normalité, qu’on croyait disparue avec la reconstruction post-45, a échappé à l’analyse des mouvements de population. "L’impensé" de la ville, des territoires périurbains et des espaces ruraux et littoraux s’invite dans ces enclaves comme des îlots de pensée tôt dispersés mais toujours renaissants, se développant tant bien que mal aux lisières du droit commun, tantôt s’appuyant sur lui, tantôt persécuté par ses zélateurs. La pluralité de ces différents modes d’occupation empêchent leur identification par l’appareil d’état parce qu’on n’y perçoit aucun modèle reproductible, susceptible de relever d’un système de service public. N’étant pas en mesure de cerner pour l’encadrer globalement le fonctionnement d’initiatives groupées ou de randomiser le mode de vie des individus déviants et isolés, l’état prend la chose par le bout du traitement individuel. Ni modélisation, ni durabilité pour les logements atypiques. Leurs occupants sont au pire expulsés, au mieux encadrés par les acteurs en charge du suivi des aides sociales, un accompagnement souvent perçu comme un contrôle normatif par les intéressés. La réponse au cas par cas occulte le déterminisme qui conduit à ces situations. Dans un renversement de la causalité, on demande aux exclus de s’expliquer sur leur exclusion. On fait porter par l’individu la responsabilité de l’incapacité de la société à traiter également ses membres.

Le premier pas à faire est de reconnaître un autre mode de ville, l’état doit respecter les installations de survie résultant

d’urgences qu’il ne peut/ne sait pas satisfaire. Ce serait un pas décisif vers la reconnaissance des personnes elles-mêmes dans leur singularité, leur diversité, leur aspiration à l’autonomie.

chiffrer l’habitat dissident ?

On hésite à convoquer les chiffres qui rendraient compte du phénomène conduisant les individus à choisir un habitat différent, hors normes, dissonant, dissident. Ils sont fluctuants, imprécis, augmentés selon des proportions inconnues par la sujétion ou le rejet de la nouvelle division du travail. Il convient de ne pas séparer les gens selon leurs différents modes de vie ou d’implantation. Il faudrait plutôt analyser ce qui produit le phénomène sans faire d’"ethnicisation". De considérer les formes anciennes et nouvelles de ce mode d’habiter. De voir en quoi l’évolution du marché du travail aussi bien que l’évolution du foncier jettent les gens sur les routes autant par choix que par nécessité, générant au passage des formes nouvelles de nomadisme : traveller’s, intérimaires, étudiants, retraités, travailleurs mobiles... Des formes pour l’instant suspectées de troubler l’ordre public mais qui pourraient bien ouvrir les pistes du futur.

85 000 personnes en habitations de fortune [1]
100 000 personnes en terrain de camping [2]
250 000 personnes sur des parcelles publiques ou privées [3]
450 000 personnes en résidences mobiles [4]

Halem

L’association Halem capitalise depuis dix ans des expériences, des actions, des interventions, un travail de terrain productif en termes d’immersion, d’échanges d’information et de solidarité. Son action contribue à ne pas laisser les aménageurs de territoire décider seuls de ce qui est bon ou non pour la défense des droits des habitants en matière de logements mobiles et éphémères.

L’association Halem accompagne quotidiennement les personnes démunies tant financièrement que juridiquement. L’association met à disposition des outils : veille juridique, guidance sur les procès, manifestations de soutien.

L’association Halem a de longue date organisé des rencontres au croisement de nombreux réseaux ayant en commun de travailler sur "l’habiter autrement". Ces rencontres donnent l’occasion à des gens isolés de tester les bonnes idées et les nouvelles pratiques. Elles sont le prétexte à événements, analyses collectives, conseils à des particuliers et à des collectifs.

Les organisateurs de la caravane Halem qui a itinéré cet été en France et en Belgique ont pu constater grandeur nature le vaste mouvement populaire qui se dessine autour de leurs objectifs


[1Selon l’expression de l’Insee : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1330

[2Fondation Abbé Pierre, « L’état du mal logement en France » 20e rapport annuel, 2015.

[3JL Léonard et P Got : « rapport d’information sur le statut et la réglementation des habitats légers de loisirs » déposé en 2010 à l’Assemblée Nationale

[4Les difficultés d’habitat et de logement des « Gens du Voyage » - Les Cahiers du mal-logement de la Fondation Abbé Pierre, janvier 2006, page 11

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