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interview de Béatrice Mésini

mardi 3 novembre 2009

Interview Béatrice Mesini : « Une réelle alternative à un logement rare et cher »

mise en ligne : 14-03-2008

Béatrice Mesini, chercheuse en sociologie politique au CNRS-UMR Telemme d’Aix-en-Provence, étudie de près l’évolution de l’habitat “hors norme” et de son traitement juridique par les pouvoirs publics.

Face à la crise du logement, un habitat “non conventionnel”, “hors norme”, s’est développé fortement ces dernières années. Que peut-on regrouper sous ce terme ?

Tout type d’habitat auto-construit ou posé, que ce soient des habitations légères de loisir (HLL) telles que les tipis ou les yourtes, ou les résidences mobiles de loisir (RML) c’est-à-dire les caravanes, les roulottes, les voitures, les bus, les camions ou véhicules utilitaires aménagés… Les auto-constructions se font la plupart du temps sans autorisation sur des terrains agricoles, dans les bois. Elles sont souvent cachées, insérées dans le paysage et pratiquement invisibles.

Peut-on chiffrer le nombre de personnes concernées ? Et quelle est la part des personnes qui font un vrai choix de vie, notamment écologique, et celle des personnes pour qui la cabane ou le camping constitue l’ultime solution ?

Comme cet habitat est pour la plupart illégal, il est très difficile d’avoir des estimations précises. Certains campings font de la location à l’année sans contrat pour des travailleurs ou pour des personnes ayant basculé vers une plus grande précarité. Les deux catégories montent ensemble et s’interpénètrent aussi. Quand des personnes arrivent sur un terrain où il y a une bonne pratique, où il y a déjà des gens qui ont fait ce choix d’habitat, ils intègrent plus rapidement et plus facilement les préoccupations écologiques ou d’attention à la terre sur laquelle ils sont installés. Dans son rapport sur le mal-logement, la fondation Abbé-Pierre chiffre à 934 000 le nombre de personnes logées dans un habitat de fortune et la chercheuse France Poulain à 100 000 le nombre de personnes vivant en camping. C’est vraiment un minimum, car beaucoup vivent dans des camions, des voitures, sur des parcelles privées.

Peut-on parler d’un phénomène de société ?

Il suffit de regarder la situation dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il manque environ 40 000 logements. Par ailleurs, on se retrouve dans une situation où le logement locatif (social ou privé) est complètement saturé. De nombreuses familles souhaiteraient changer de logement, mais se retrouvent bloquées car si elles en changent, elles verront leur loyer doubler, voire tripler… Il en va de même pour les jeunes qui veulent décohabiter et à qui l’on demande d’être flexible d’un point de vue formation et profession qui opte pour de l’habitat mobile. Dans cette situation, la cabane, la yourte, le tipi ou la caravane constituent la seule solution alternative. Le problème reste que la plupart de ces solutions demeurent illégales.

Justement, quel est le statut juridique de ce mode d’habitat ?

La législation change très rapidement et demeure très restrictive sous prétexte que c’est un habitat “indigne”. Le décret d’accompagnement de l’ordonnance de réforme du permis de construire, paru en janvier 2007 fixe les nouvelles règles. Les HLL, RML et mobile homes ne peuvent être installés que dans des campings, des parcs résidentiels de loisirs et les villages classés. Ils sont interdits sur les autres terrains si leur durée d’installation est supérieure à 3 mois, consécutifs ou non. Par ailleurs, ils sont soumis à déclaration préalable ou à permis de construire suivant leur surface (au-dessus de 20 mètres carrés), ce qui pose de vraies questions puisqu’il s’agit d’habitat éphémère, à faible empreinte écologique et sans fondation.

Cette législation restrictive empêche les habitants de ces logements “hors norme” d’avoir accès aux mêmes droits que n’importe quel citoyen. Quelles sont les principales actions à mener pour arriver à une égalité des droits ?

Il convient de se battre politiquement pour que les pouvoirs publics lâchent du lest, notamment sur les droits de ces habitants de bonne foi, qui refusent le surendettement dans le logement et l’offre de logement d’urgence, et dont la grande majorité sont prêts à régler une taxe d’habitation ajustée. Certains élus commencent à être sensibilisés à la question. C’est un progrès notable. En même temps, la succession de lois renforçant le droit au logement n’a pas donné les moyens pour que ce droit soit réellement effectif. Il n’y a eu aucune avancée en ce qui concerne la diversité de l’habitat. L’habitat, ce n’est pas seulement des “boîtes” posées les unes à côté des autres, ou les unes sur les autres. Il y aurait beaucoup à dire sur l’habitat appelé “digne”. Il y a de très nombreuses petites habitations auto-construites bien plus économes et écologiques que les boîtes en parpaings qui servent de logements sociaux…

Aujourd’hui, ce type d’habitat est la seule réelle alternative à un logement rare et cher.

Propos recueillis par Stephane Fernandez

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