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Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.
Regard d’un militant (avril 2012)
mardi 16 juillet 2013, par
Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.
Regard d’un militant (avril 2012)
A. Quelques définitions pour un état des lieux :
I. la notion de domicile et de résidence est différente selon le code civile et le code pénal.
– Le Code civil
– La résidence
– Le code pénal
– Le Code de l’action sociale
II. Le livret de circulation :
B. Multiplication des statuts d’habitants vers des inégalités à la carte :
I. Le « Sans Domicile Fixe »
II. Le « Gens du Voyage »
III. Le « sans abris »
IV. Le « sans abris »
V. L’Habitat Choisi :
C. Le bric et broc d’installations possibles pour des habitats légers ou mobiles, une législation inadaptée. :
I. L’« occupants sans droit ni titre »
II. L’ « habitant permanent de terrains de camping »
III. les terrains familiaux
IV. installations illicites
"Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison." « Sur l’instruction publique » (1791-1792), dans Œuvres, Condorcet, éd. Firmin-Didot, 1847
Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.
Regard d’un militant (avril 2012)
Pendant de nombreuses années, j’ai interrogé des juristes, des militants : « Quel droit au logement pour les habitants de logements légers ou mobiles ? ». La notion juridique de logement reste pour moi sinon floue en tout cas sujette à interprétation. Est-ce le lieu où l’on dort, on a chaud l’hiver, on se fait la cuisine, on fait sa toilette, on pose ses affaires personnelles, que l’on peut fermer de l’extérieur, décorer à sa guise... ? Dans ce cas, la résidence mobile devrait être considérée un logement.
La définition n’est a priori pas juridique mais le droit au logement a une valeur constitutionnelle [1].
Malgré l’acceptation par le législateur de rendre en 2007 le droit au logement opposable [2] avec la loi Molle (qui porte bien son nom), nous constatons qu’il n’est pas encore aujourd’hui une priorité des collectivités et dans les politiques de publiques.
Aujourd’hui en France, les Habitats Légers (HL) sont, soit raccordés juridiquement à la notion de « loisir » [3] , soit considérés comme résidence principale de leurs utilisateurs.
En aucun cas, l’administration considère ces habitats comme des logements « ordinaires », qu’ils soient subis ou choisis. C’est une conception séculaire de l’habitat que le législateur considère comme « immeuble ou partie d’immeuble ».
Il va sans dire que la question de statuts des utilisateurs de ces habitats est centrale. Car les droits ne sont pas les mêmes pour tous.
A. Quelques définitions pour un état des lieux :
Face à la forêt législative et réglementaire, quelques interprétations.
I. la notion de domicile et de résidence est différente selon le code civil et le code pénal.
Dans la pratique, nous avons tendance à confondre les notions de domicile et de résidence car pour la plupart des sédentaires les deux adresses sont identiques.
– a. Le Code civil définit le domicile comme étant le lieu dans lequel une personne possède son principal établissement. Tout sujet de droit doit élire domicile, point fixe auquel se trouvent ses intérêts. Il ne peut avoir qu’un seul domicile. Cette localisation géographique permet de déterminer les autorités administratives ou judiciaires territorialement compétentes auxquelles on peut-être confrontées. Le lieu du domicile détermine par exemple l’adresse où les personnes peuvent s’inscrire sur les listes électorales. Une personne sans adresse ou sans domicile fixe a néanmoins le droit et l’obligation d’en élire un ou de se rattacher à une commune.
– b. De son côté, la résidence est conçue comme une situation de fait : c’est le lieu ou une personne habite lorsqu’elle se trouve hors de son domicile, par exemple lorsque sa résidence principale est mobile ou démontable ou qu’elle est en villégiature, ou quand, elle loge provisoirement sur un chantier ou à l’hôtel.
– c. Le droit pénal a une conception du « domicile » assez différente du droit civil. Il ne distingue pas très précisément les mots « domicile et résidence » puisqu’au sens pénal, il est, aux termes d’une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation [4], le « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux ». Il ne peut s’agir d’un lieu public (restaurant, gare, hall d’immeuble, partie commune d’un hôtel, etc.) mais peut tout à fait être une chambre d’hôtel, un camping-car, voire une tente. Si la notion de domicile recouvre l’habitation stricto-sensu et ses dépendances immédiates (cave, terrasse, balcon, mais aussi boîte aux lettres, niche, etc.), elle n’inclue pas un véhicule automobile (sauf s’il était spécialement aménagé), ni un terrain, une cour ou une dépendance non close. Il n’est pas nécessaire que le sujet de droit habite réellement un lieu pour bénéficier, au sens de la définition de la Cour de cassation, de la protection du domicile. Le titre d’occupation est tout aussi inopérant et la protection du domicile bénéficie à tout occupant, quel que soit son droit ou la validité de celui-ci, et donc y compris en cas d’expiration du bail, voire de procédure d’expulsion.
– d. Selon le Code de l’action sociale et des familles, « l’absence d’une adresse stable ne peut être opposée à une personne pour lui refuser l’exercice d’un droit, d’une prestation sociale ou l’accès à un service essentiel garanti par la loi, notamment en matière bancaire et postale, dès lors qu’elle dispose d’une attestation en cours de validité. » (L264-3)
Le droit positif [5] considère également que toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Et pourtant, nous verrons plus bas que les obligations des personnes appelées « du voyage » par l’administration sur des considérations ethniques sont tout autres.
D’un côté, nous avons le droit fondamental au logement et le principe constitutionnel selon lequel « la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché ». D’un autre côté, nous avons l’article 10 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 qui garanti à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Pourtant les contentieux sont de plus plus nombreux et dans la crise du logement majeure que nous vivons actuellement, il est difficile d’accepter une administration qui s’acharne à attaquer pour des raisons d’infraction au code de l’urbanisme des habitants d’HL pour qui cet habitat reste souvent la meilleur solution. De plus, les nuisances liées à leur installation est mineure voir ont une empreinte écologique inférieure au logement en dur qui leur est dû selon les termes de la loi DALO.
L’utilisation de choses légales pour faire des choses illégales est la définition même de l’escroquerie. C’est la raison pour laquelle nous invoquons la « proportionnalité du droit » et que la justice est symbolisée par une balance. C’est grâce à nos actions, notre travail de réflexion et de militant que l’interprétation du droit évoluera.
Toute forme d’expulsion au nom du respect d’un code de l’urbanisme inadapté à la situation sociale d’aujourd’hui devrait être impossible.
II. Le livret de circulation :
Le livret de circulation est un document requis et obligatoire en France pour toutes les personnes, enfants compris, françaises ou étrangère, n’ayant pas de domicile fixe ni de résidence fixe depuis plus de six mois, et âgées de plus de 16 ans. Il a été instauré par la loi du 3 janvier 1969 et abroge la loi de 1912 sur les nomades qui obligeait ceux-ci (en pratique, les tsiganes) à se doter d’un carnet anthropométrique. [6]
C’est une sorte de succédané de domicile, permettant à son détenteur d’exercer ses droits civils. Le titulaire du livret doit par exemple attendre trois ans pour avoir le droit de voter sur une commune et une commune peut refuser de domicilier plus de 3% de SDF sur son territoire. La HALDE [7] a déclaré que ce dispositif instaure manifestement une différence de traitement au sens de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement, lequel est prévu par l’article 2 de son protocole n°4 qui dispose que « quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ». Parallèlement, le Code électoral prévoit que « les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement sont inscrits sur la liste électorale de la commune où est situé l’organisme d’accueil dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d’identité. » (art. L15-1)
Il y a plusieurs types de livret de circulation :
- le « livret spécial de circulation » (art. 2), délivré aux voyageurs inscrits au registre du commerce ou au répertoire des métiers. Selon la loi de 1969, il s’applique aux « personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l’Union européenne » et voulant exercer une activité ambulante ; cela comprend notamment les forains. Le contrôle de l’État est partiellement relayé par les employeurs, qui sont tenus de vérifier que leurs employés détiennent ces documents ;
- le « livret de circulation » (art. 3 et 4), qui est délivré aux personnes de plus de 16 ans logeant « de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile » qui « justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales d’existence notamment par l’exercice d’une activité salariée » ; cela peut inclure, par exemple, des travailleurs saisonniers vivant dans leur véhicule. Notons qu’en raison du justificatif de ressources régulières requis, tous les « traveller’s » ne peuvent pas obtenir un tel livret. La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 (art. 11) a aussi introduit la possibilité de fouiller les véhicules, suscitant un problème pour les personnes dont le véhicule est leur domicile par le viol de l’intimité et de la vie privée(art. 78-2 du Code de procédure pénale régissant les contrôles d’identité).
- le « carnet de circulation » (art. 5), qui est délivré aux personnes qui sont dans le même cas que celles ayant un livret de circulation, mais qui ne peuvent justifier de ressources régulières. Celles-ci sont particulièrement contrôlées, puisqu’elles sont passibles d’une peine d’emprisonnement de trois mois à un an si elles circulent sans ce carnet.
Les étrangers, qui sont aussi soumis à ces obligations, doivent justifier « de façon certaine » de leur identité afin d’obtenir l’un de ces livrets (art. 6). Les bateliers sont exemptés de l’obligation d’obtenir un tel livret (art. 12).
Bien que théoriquement obligatoire pour toute personne sans domicile fixe, dans la pratique, il vise une population pour qui l’habitat mobile est culturel. Il est régulièrement assimilé à la notion de Gens du Voyage [8] alors que l’on peut tout à fait, par exemple, être habitant de caravane et être domicilié chez un parent ou un ami. Il est parfois demandé abusivement pour accéder à une aire d’accueil et certains voyageurs le considèrent comme lié à leur identité culturelle. Il ne donne aucun avantage particulier si on a la possibilité d’être domicilié ailleurs.
B. Multiplication des statuts d’habitants vers des inégalités à la carte :
Conformément aux principes constitutionnels, la loi française ne comporte aucune connotation ethnique ou communautariste. Par contre la pratique et la forêt législative sont tout autres.
Bien que la caravane ou autre type d’habitat léger ou mobile est interprété par le Conseil d’État comme le domicile de ses occupants [9] jamais le législateur n’a voulu employer le terme logement excluant ainsi ses occupants du cadre du droit au logement. Est-il utile de rappeler la requête de plusieurs associations à l’automne dernier pour le droit à la trêve hivernale, les innombrables contentieux autour de la question du raccordement aux réseaux, des expulsions sous astreintes ? Et oui, on te demande de démolir ton unique toit ou bien tu payes. Difficile de parler ensuite du caractère sacré du logement, "d’une exigence d’intérêt national". Également l’occupation sans droit ni titre de terrains nus est considéré comme un délit pénal a contrario de l’occupation de bâtiment qui se réfère au code civil.
I. Le « Sans Domicile Fixe » [10]
Depuis 1983, en France, le sigle « SDF » remplace la notion de vagabond, ou chemineau (celui qui « fait le chemin »), si présent dans la vie du XIXe siècle. Le sigle vient de la terminologie policière : c’était une mention notée dans les formulaires en lieu et place de l’adresse de la personne contrôlée. À l’origine il pouvait aussi s’agir d’une personne habitant « chez des amis » ou en transit.
Le décret de 1970 précise que sont considérées comme Sans Résidence Fixe les personnes qui ne sont ni propriétaires ni locataires d’un logement garni de meubles leur appartenant. Juridiquement, une personne n’ayant pas de domicile fixe n’est pas forcément un « sans-abri », mais quelqu’un qui doit se doter d’un livret ou carnet de circulation.
Selon l’INSEE, « une personne est dite sans-domicile un jour donné si la nuit précédente elle a été dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes : soit elle a eu recours à un service d’hébergement, soit elle a dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, abri de fortune) ». Cette situation aurait concerné une personne sur vingt au cours de sa vie, soit environ 2 500 000 personnes (5 % de la population). Les situations sont très variables quant à la durée (moins de 3 mois pour 24 % des personnes jusqu’à plus de 3 ans pour 18 %) et quant aux solutions mises en place (hébergement chez un proche pour 78 %, service d’hébergement pour 14 %, lieux non prévus pour l’habitation pour 11 %). On compte également 38 000 personnes à l’hôtel et au moins 79 000 hébergées chez des particuliers [11].
Les personnes Sans Domicile Fixe doivent suivre la procédure de l’élection de domicile, recevant une attestation auprès des Centres Communaux (ou intercommunaux) d’Action Sociale (CCAS). Ils doivent se doter d’un livret de circulation qui leur sert de justificatif de domicile (par exemple pour obtenir un passeport). Dans la pratique, ce n’est que rarement qu’il est délivré à des personnes non-tsiganes. La confusion entre la définition employée par L’INSEE et la définition juridique « SDF » épargne à de nombreuses personnes de prendre ce livret.
L’administration considère que la situation de SDF n’est qu’un accident social passager et pratique de ce fait la discrimination ethnique sans vergogne.
II. Le « Gens du Voyage » [12]
Le terme générique « Gens du Voyage » est une dénomination administrative désignant une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre. Cette dénomination est apparue dans les années 70.
Présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, les « Gens du Voyage » apparaissent en pratique comme un groupe identifié ayant en commun d’être victimes des mêmes différences de traitement, du fait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la communauté Tzigane. Cette appellation incite à penser que la personne désignée n’a pas d’attache territoriale. Situation en réalité très exceptionnelle.
Le dénombrement des « Gens du Voyage » constitue une entreprise difficile : d’une part, la très grande diversité de cette population rend délicate toute classification qui par ailleurs n’est pas souhaitable ; d’autre part, il n’existe pas de terme permettant de définir de manière indiscutable des catégories de personnes pouvant être regardées comme des itinérants. Les enquêtes réalisées par le ministère de l’intérieur en 1989 ont permis de recenser le nombre de possesseurs d’un livret de circulation. Dans ce rapport nous y lisons : « Si les personnes recensées comme étant titulaires de l’un de ces documents administratifs ne sont pas toutes des gens du voyage, néanmoins, par extrapolation, le nombre de ces derniers a pu être évalué à 140 000 personnes ». Il convient, en outre, de prendre en compte les personnes qui ne sont pas titulaires d’un titre de circulation. Au total, le nombre de 450 000 personnes est retenue par les associations et paraît rendre compte de la situation actuelle. Soit trois fois plus que la population de l’Ariège et pas un seul élu pour les représenter.
La loi du 5 juillet 2000 dite la « loi Louis Besson sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage » était sensée offrir un véritable cadre juridique volontariste pour l’accueil des habitants de résidences mobiles, et mobiliser des moyens financiers sans précédent pour aider les communes à réaliser des aires de stationnement, tant en investissement qu’en fonctionnement [13]. Elle a deux objectifs : permettre aux nomades d’aller et venir librement sur le territoire et de s’installer dans des conditions décentes ; éviter les campements illicites, qui exaspèrent élus locaux et riverains.
Dans tous les départements, le préfet et le président du Conseil général devaient élaborer avant le 6 janvier 2002, après une évaluation des besoins et des réalités, un « schéma départemental d’accueil des gens du voyage ». Des commissions départementales sensées réunir l’ensemble des acteurs concernés les ont élaboré. Ceux-ci doivent traiter l’ensemble des questions posées, particulièrement la scolarisation et l’insertion sociale et économique. Il est également possible d’y prévoir des programmes d’habitat adapté pour des familles sédentaires ou semi-sédentaires. Hélas les collectivités ne jouent pas le jeu et détournent l’intention de la loi en créant des aires d’accueil non-adaptées aux besoins des populations. Nombreuses sont indignes. Les règlements intérieurs discriminants et illégaux, […] obligent les « gens du Voyage » à se déplacer à des rythmes imposées et permettent surtout aux communes d’expulser les campements sauvages mais nécessaires aux besoins des familles (scolarisation, hospitalisation, besoins économiques, lien social, etc.). Dans ces conditions, évidement, elle sont refusée par les intéressés et la formule « terrain familiale » [14], plus adaptée, est la plupart du temps rejetée par les collectivités et ne fait pas parti de ces schémas départementaux.
Avant janvier 2004, toutes les communes inscrites à ce schéma auraient dû avoir réalisé leurs aires, faute de quoi le Préfet pouvait se substituer à la collectivité défaillante. Premier bilan en 2008 : selon un rapport ministériel, 42 % des 42 000 places nécessaires ont été aménagées et certains préfets se contentent de mettre en place des médiations, les autres ne font rien. Pire encore, la législation permettant les expulsions arbitraires s’est renforcée avec les lois de prévention de la délinquance et de sécurité intérieure qui ont suivi. La loi Besson prévoit également des pouvoirs pour les communes ayant réalisé ou financé des aires d’accueil. Elles peuvent prendre un arrêté qui interdit aux nomades de stationner en dehors des zones prévues à cet effet ; et qui permet aux maires de saisir la justice, même lorsqu’il s’agit d’un campement sauvage sur un terrain privé. La loi contient par ailleurs des dispositions pour raccourcir les délais d’instruction de la procédure d’expulsion. A se demander si la loi ne sert pas plus à cantonner les voyageurs dans des espaces définis et de donner le pouvoir de les expulser partout ailleurs.
L’article 8 de la nouvelle loi qui modifie le code de l’urbanisme vient confirmer l’obligation pour toutes les communes disposant d’un Plan d’Occupation du Sol (POS) de prévoir la « satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat […], y compris ceux des gens du voyage ».
Les personnes exerçant une activité commerciale non sédentaire ainsi que les personnes dites « Gens du Voyage » sans domicile fixe ont obligation de se déclarer aux services de la commune à laquelle elles souhaitent être rattachées et prendre un livret de circulation. Cette démarche s’inscrit dans une tendance ancienne de l’État en France, remontant à l’Ancien Régime, qui vise à contrôler le nomadisme et le vagabondage.
III. Le « sans abris »
Selon l’INSEE en 2011, il y a environ 90 000 sans abris en France, 17 % d’entre eux sont des femmes, et 20 % ont moins de 25 ans. Parmi les SDF âgés de 16 à 18 ans, la proportion de femmes atteint 70%... Ils sont difficiles à dénombrer, car les sans-papier et les invisibles sont compliqués à répertorier. Souvent obligés par leur situation à se cacher, les « forces de l’ordre » et les services sociaux sont souvent considérés comme des personnes à éviter de rencontrer pour ne pas être délogés voir reconduits à la frontière. Curieusement, la police ne les protège jamais du bourgeois qui râle... (gardiens de la paix qui ne la leur f... pas assez)
Dans une étude pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), Michel Autès note que dans la presse écrite, « le sigle « sdf » est le plus souvent associé à des connotations en termes de criminalité » alors que « l’usage du terme sans-abri va davantage apparaître dans un contexte de compassion pour les victimes de la pauvreté » et que « les termes sans-logis et sans-domicile vont être mobilisés dans des contextes argumentatifs, au sein d’un débat sur les causes de l’errance ou l’efficacité des politiques de logement » [15]
Les sans-abri sont souvent dits « en situation d’exclusion sociale », bien que ce terme prête à débat : beaucoup de sans-abri travaillent (CDD ou intérim) et peuvent donc difficilement être qualifiés de « marginaux », comme si cette situation de précarité était de leur fait.
En France, selon le Code pénal de 1810 (art. 269 à 273), le vagabondage était un délit réprimé de 3 à 6 mois d’emprisonnement. L’art. 270 donnait la définition juridique suivante : « Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n’exercent habituellement ni métier, ni profession. » Ces trois conditions devaient être réunies pour qualifier le délit de vagabondage, excluant dès lors les nomades, qui ont fait l’objet d’une loi spécifique en 1912. Ce n’est qu’en 1992 que le législateur a abrogé le délit de vagabondage de 1810.
IV. L’Habitat Choisi :
Plusieurs associations insistent pour que le logement en résidence mobile ou légère ne devienne pas un prétexte pour éviter la construction de logements sociaux. Il est important que le développement de l’utilisation de l’habitat léger ne se fasse pas faute de mieux. Ces utilisateurs doivent pouvoir accéder à un logement « classique » s’ils le désirent. Elles insistent sur la volonté des habitants de ces résidences pour déterminer son statut. Elles précisent également que l’habitation itinérante ne perd pas cette qualité par son stationnement en un même lieu durant une partie de l’année.
Il serait bien sûr réducteur de systématiquement stigmatiser un habitat léger comme étant un habitat précaire. Il est essentiel de tenir compte du fait que le choix de l’habitat d’une personne peut être, sinon le résultat d’un choix relatif à sa condition économique et à ses liens sociaux, lié à des choix politiques et/ou culturels ou tout simplement lié à l’idée que chacun se fait du confort. En bref, certaines personnes refusent un logement conventionnel et il leur est interdit de vivre leur choix.
Le terme "habitat choisi" est délicat à employer. Par exemple, j’ai choisi
de vivre en Ariège avec un jardin mais je n’ai certainement pas choisi d’accepter la pression foncière, le taux de résidences secondaires, la spéculation, la productions d’habitats polluants, la propriété des outils de productions et de subsistances dans quelques mains, les élus corrompus ou racistes du coin... Pour répondre à mon premier choix, la caravane, la yourte, la cabane sur un terrain non constructible est pour moi une solution acceptable. Finalement, les termes "choisi/subi" peuvent servir à nous distinguer socialement les uns les autres, à nous désolidariser face à machine à spéculer, à servir l’intérêt d’un système social et économique qui exclu [16]. De plus en plus de personnes se retrouveront à "choisir" d’habiter en Habitat Léger dans ce contexte. Le rouleau compresseur de la consommation, de la croissance économique, amène évidement à penser à beaucoup d’entre nous qu’une forme de décroissance et de réduction des besoins fabriqués par la société de consommation est une solution. Par contre, il est impossible de nier les 3 millions de mal logés, le taux d’effort pour avoir un logement en inéquation avec les salaires et la précarisation du marché de l’emploi.
La grande majorité des dossiers sur lesquels on m’interpelle (une ou deux dizaine par mois depuis plusieurs années) me font relativiser le mot "choisi" qui ne peut exister que dans un contexte. Ce critère est subjectif car il concerne des sujets et l’utiliser comme une analyse objective risque de déshumaniser et marginaliser le débat.
C. Le bric et broc d’installations possibles pour des habitats légers ou mobiles, une législation inadaptée.
Les habitats légers et mobiles ont toujours existé et répondent à certains besoins de notre société.
Que ce soit des cabanes ou des roulottes, ils ont toujours répondu à des besoins de pastoralisme, de commerce, de culture... [17] Parfois également la nécessité poussent des personnes à choisir ce « mode d’habiter ».
Au nom d’une volonté de protection, de ne vouloir laisser personne sur le bord de la route, au nom d’une conception d’un urbanisme durable, plus sédentaire que nomade, le législateur a, soit discriminé leurs usagers, soit les a ignoré les laissant sans droits, en proie du pouvoir discrétionnaire.
I. L’« occupants sans droit ni titre »
Un squat peut héberger une personne seule comme plusieurs dizaines, dans un appartement de centre-ville, une friche industrielle de banlieue ou un site rural. Les conditions de vie peuvent y varier en fonction de l’état initial du site, des moyens et des motivations des occupants : jeunes fugueurs refusant d’intégrer un foyer, migrants, artistes sans atelier, travellers, nomades, habitants de résidence mobile ne trouvant pas ou refusant une aire d’accueil, sans domicile fixe, militants de la cause libertaire, personnes recherchant un espace de vie sociale, collectif et/ou communautaire.
Depuis 2001, des projets de criminalisation de l’occupation sans droit ni titre sont apparus à diverses reprises et ont généralement été retirés ou vidés de leur substance suite aux controverses et protestations, notamment d’associations pour le droit au logement. Les lois sur la “sécurité intérieure” votées en 2001 prévoyaient de transformer l’occupation de bâtiments vides en délit. Finalement seul le délit d’occupation de terrain nu, visant les nomades, a été retenu. Rien de surprenant lorsque l’on voit les propos que ces mêmes législateurs ont tenu par la suite. Plusieurs organisations critiquent les mesures prises contre les gens du voyage dans le cadre de la Loi pour la Sécurité Intérieure de 2003 [18] et la loi pour la prévention de la délinquance de 2007 [19]. Dans le même esprit la loi LOPPSI2 prévoyait d’étendre la question aux cabanes. Pour celle-ci, la mobilisation a été gagnante et l’article scélérat n’a pas passé la dernière barrière du Conseil Constitutionnel. D’une manière plus générale, beaucoup dénoncent l’amalgame entre « Gens du Voyage » et « délinquance » que ces nouvelles lois alimentent.
On peut considérer que le squat participe à la construction d’un modèle d’économie alternative. Et de fait, l’occupation a souvent pour première cause des raisons pécuniaires : des individus, familles ou groupes de personnes cherchent un endroit où vivre, alors qu’ils ne peuvent pas payer de loyer.
Par exemple, en France, les premiers squatteurs sont apparus après la Seconde Guerre mondiale. Pour protester contre les obstacles administratifs qui freinaient la mise en œuvre de la loi de réquisition, ils procédèrent à l’occupation de logements vides. Issu du Mouvement populaire des familles, lui-même proche de la Jeunesse ouvrière chrétienne, ce mouvement est né à Marseille avant de gagner d’autres villes de province. En cinq ans, quelque 5 000 familles ont ainsi été relogées. Ces occupations s’accompagnèrent de campagnes de presse et d’actions militantes qui sensibilisèrent l’opinion publique à la question de la crise du logement.
Cet exemple montre clairement que les problématiques économiques et politiques ne sont, en dernière analyse, pas dissociables. [20] Alors, du caritatif au militant, nombreux sont ceux qui définissent le fait de squatter comme l’expression d’un mouvement social revendiquant le droit à une vie avec un toit sur la tête.
II. L’« habitant permanent de terrains de camping » :
(voir aussi)
Dès les années 50, le camping est considéré par décret comme « une activité d’intérêt général librement pratiquée ». Il se développe et permet ainsi à de nombreuses personnes de partir en vacances avec des revenus modestes. Peu à peu des terrains sont aménagés et nous voyons apparaître de plus en plus d’interdiction de camper en dehors de ceux-ci. Pour diverses raisons, aujourd’hui, environ 100 000 personnes vivent à l’année sur ces terrains [21]. Ses occupants sont, pour la plupart, victimes du taux d’effort demandé aux familles pour avoir un toit sur la tête et de la précarité du marché de l’emploi.
Il y a des jeunes qui s’installent sur certains terrains en relation avec leur période d’études ou de travail estival, des couples avec ou sans enfants qui voient dans le camping un endroit permettant de mettre de l’argent de côté pour regagner le logement classique. Nous y trouvons aussi des personnes seules suite à une rupture (chômage, divorce, décès…), également des retraités qui sont de plus en plus nombreux à faire le choix d’habiter à l’année dans ce qui fut leur résidence secondaire... Nous y rencontrons également certaines personnes qui ont pleinement choisi ce type d’occupation du territoire et l’assume complètement.
Selon le Code du tourisme : « Les terrains aménagés de camping et de caravanage sont destinés à l’accueil de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et d’habitations légères de loisirs. Ils sont constitués d’emplacements nus ou équipés de l’une de ces installations ainsi que d’équipements communs.
Ils font l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière et accueillent une clientèle qui n’y élit pas domicile.
Ils doivent disposer d’un règlement intérieur conforme à un modèle arrêté par le ministre chargé du tourisme. » (Article D331-1-1)
Grâce aux petites explications suscitées nous comprenons qu’il est autorisé de vivre à l’année sur un terrain de camping mais pas d’y établir domicile. Il faut donc théoriquement être domicilié ailleurs (CCAS, association, famille, ami). Par contre, il n’est pas possible de réclamer les droits attachés au logement. À tout moment le campeur peut être expulsé sans préavis, les tarifs augmentent au bon plaisir du gérant, l’accès à l’eau et à l’électricité est souvent prohibitif et, cerise sur le gâteau, le terrain étant privé, il est possible de se voir interdire les visites.
Les problèmes se compliquent également lorsque l’occupant est propriétaire de son HLL [22]. Nombreux se sont vu devoir laisser leurs mobile-homes avec ses extensions malgré des installations datant de plusieurs décennies avec des accords oraux des gérants. À ce sujet, HALEM et le DAL ont attaqué le propriétaire du camping d’Allincourt dans l’Oise (une des plus grosse fortune de France) et ont obtenu des indemnités pour les personnes évincées.
La Caisse d’allocation familiale accorde des allocations de logement à la condition que la personne n’est pas propriétaire de son habitation et que celle-ci n’a plus ses moyens de mobilité (en retirant les roues par exemple). Selon la définition juridique cet habitant est un « Gens du Voyage » sans carnet de circulation. Il touche des allocations de logement mais est sans domicile. Il est expulsable à tout moment et ne peut pas prétendre aux protections attachées au logement. Nous sommes bien en face d’incohérences, à des dérogations et des inégalités face aux droits, liée à des règlements inadaptés...
En janvier 2012, une proposition de loi a été retoquée grâce à la mobilisation des associations militantes. La loi dite « Léonard » [23] prévoyait : « En cas de location dans un terrain de camping et caravanage ou un autre terrain aménagé à cet effet d’un emplacement, équipé ou non d’un hébergement, pour une durée supérieure à trois mois, le locataire fournit au loueur un justificatif de domicile de sa résidence principale datant de moins de trois mois. Le premier alinéa n’est pas applicable en cas de relogement provisoire effectué à la demande ou avec l’accord du maire de la commune d’implantation du terrain. » (Art. L. 335-1 (nouveau)).
Le projet de loi ne prévoyait aucune disposition pour reloger l’équivalent du département de la Lozère ainsi expulsé. Elle donnait également un pouvoir discrétionnaire aux maires pouvant choisir de garder ou non ses pauvres sur sa commune.