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Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.

Regard d’un militant (avril 2012)

mardi 16 juillet 2013, par Clément

Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.

Regard d’un militant (avril 2012)

Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles
regard croisé sur l’Habitat Léger (RELIER)
Clément DAVID

A. Quelques définitions pour un état des lieux :

I. la notion de domicile et de résidence est différente selon le code civile et le code pénal.
 Le Code civil
 La résidence
 Le code pénal
 Le Code de l’action sociale

II. Le livret de circulation :

B. Multiplication des statuts d’habitants vers des inégalités à la carte :

I. Le « Sans Domicile Fixe »

II. Le « Gens du Voyage »

III. Le « sans abris »

IV. Le « sans abris »

V. L’Habitat Choisi :

C. Le bric et broc d’installations possibles pour des habitats légers ou mobiles, une législation inadaptée. :

I. L’« occupants sans droit ni titre »

II. L’ « habitant permanent de terrains de camping »

III. les terrains familiaux

IV. installations illicites

"Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison." « Sur l’instruction publique » (1791-1792), dans Œuvres, Condorcet, éd. Firmin-Didot, 1847


Le droit au Logement pour les usagers d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs.

Regard d’un militant (avril 2012)

Pendant de nombreuses années, j’ai interrogé des juristes, des militants : « Quel droit au logement pour les habitants de logements légers ou mobiles ? ». La notion juridique de logement reste pour moi sinon floue en tout cas sujette à interprétation. Est-ce le lieu où l’on dort, on a chaud l’hiver, on se fait la cuisine, on fait sa toilette, on pose ses affaires personnelles, que l’on peut fermer de l’extérieur, décorer à sa guise... ? Dans ce cas, la résidence mobile devrait être considérée un logement.
La définition n’est a priori pas juridique mais le droit au logement a une valeur constitutionnelle [1].
Malgré l’acceptation par le législateur de rendre en 2007 le droit au logement opposable [2] avec la loi Molle (qui porte bien son nom), nous constatons qu’il n’est pas encore aujourd’hui une priorité des collectivités et dans les politiques de publiques.
Aujourd’hui en France, les Habitats Légers (HL) sont, soit raccordés juridiquement à la notion de « loisir » [3] , soit considérés comme résidence principale de leurs utilisateurs.
En aucun cas, l’administration considère ces habitats comme des logements « ordinaires », qu’ils soient subis ou choisis. C’est une conception séculaire de l’habitat que le législateur considère comme « immeuble ou partie d’immeuble ».

Il va sans dire que la question de statuts des utilisateurs de ces habitats est centrale. Car les droits ne sont pas les mêmes pour tous.

A. Quelques définitions pour un état des lieux :

Face à la forêt législative et réglementaire, quelques interprétations.

I. la notion de domicile et de résidence est différente selon le code civil et le code pénal.

Dans la pratique, nous avons tendance à confondre les notions de domicile et de résidence car pour la plupart des sédentaires les deux adresses sont identiques.

 a. Le Code civil définit le domicile comme étant le lieu dans lequel une personne possède son principal établissement. Tout sujet de droit doit élire domicile, point fixe auquel se trouvent ses intérêts. Il ne peut avoir qu’un seul domicile. Cette localisation géographique permet de déterminer les autorités administratives ou judiciaires territorialement compétentes auxquelles on peut-être confrontées. Le lieu du domicile détermine par exemple l’adresse où les personnes peuvent s’inscrire sur les listes électorales. Une personne sans adresse ou sans domicile fixe a néanmoins le droit et l’obligation d’en élire un ou de se rattacher à une commune.

 b. De son côté, la résidence est conçue comme une situation de fait : c’est le lieu ou une personne habite lorsqu’elle se trouve hors de son domicile, par exemple lorsque sa résidence principale est mobile ou démontable ou qu’elle est en villégiature, ou quand, elle loge provisoirement sur un chantier ou à l’hôtel.

 c. Le droit pénal a une conception du « domicile » assez différente du droit civil. Il ne distingue pas très précisément les mots « domicile et résidence » puisqu’au sens pénal, il est, aux termes d’une jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation [4], le « lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux ». Il ne peut s’agir d’un lieu public (restaurant, gare, hall d’immeuble, partie commune d’un hôtel, etc.) mais peut tout à fait être une chambre d’hôtel, un camping-car, voire une tente. Si la notion de domicile recouvre l’habitation stricto-sensu et ses dépendances immédiates (cave, terrasse, balcon, mais aussi boîte aux lettres, niche, etc.), elle n’inclue pas un véhicule automobile (sauf s’il était spécialement aménagé), ni un terrain, une cour ou une dépendance non close. Il n’est pas nécessaire que le sujet de droit habite réellement un lieu pour bénéficier, au sens de la définition de la Cour de cassation, de la protection du domicile. Le titre d’occupation est tout aussi inopérant et la protection du domicile bénéficie à tout occupant, quel que soit son droit ou la validité de celui-ci, et donc y compris en cas d’expiration du bail, voire de procédure d’expulsion.

 d. Selon le Code de l’action sociale et des familles, «  l’absence d’une adresse stable ne peut être opposée à une personne pour lui refuser l’exercice d’un droit, d’une prestation sociale ou l’accès à un service essentiel garanti par la loi, notamment en matière bancaire et postale, dès lors qu’elle dispose d’une attestation en cours de validité. » (L264-3)

Le droit positif [5] considère également que toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Et pourtant, nous verrons plus bas que les obligations des personnes appelées « du voyage » par l’administration sur des considérations ethniques sont tout autres.

D’un côté, nous avons le droit fondamental au logement et le principe constitutionnel selon lequel « la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché ». D’un autre côté, nous avons l’article 10 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 qui garanti à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Pourtant les contentieux sont de plus plus nombreux et dans la crise du logement majeure que nous vivons actuellement, il est difficile d’accepter une administration qui s’acharne à attaquer pour des raisons d’infraction au code de l’urbanisme des habitants d’HL pour qui cet habitat reste souvent la meilleur solution. De plus, les nuisances liées à leur installation est mineure voir ont une empreinte écologique inférieure au logement en dur qui leur est dû selon les termes de la loi DALO.

L’utilisation de choses légales pour faire des choses illégales est la définition même de l’escroquerie. C’est la raison pour laquelle nous invoquons la « proportionnalité du droit » et que la justice est symbolisée par une balance. C’est grâce à nos actions, notre travail de réflexion et de militant que l’interprétation du droit évoluera.

Toute forme d’expulsion au nom du respect d’un code de l’urbanisme inadapté à la situation sociale d’aujourd’hui devrait être impossible.

II. Le livret de circulation :

Le livret de circulation est un document requis et obligatoire en France pour toutes les personnes, enfants compris, françaises ou étrangère, n’ayant pas de domicile fixe ni de résidence fixe depuis plus de six mois, et âgées de plus de 16 ans. Il a été instauré par la loi du 3 janvier 1969 et abroge la loi de 1912 sur les nomades qui obligeait ceux-ci (en pratique, les tsiganes) à se doter d’un carnet anthropométrique. [6]

C’est une sorte de succédané de domicile, permettant à son détenteur d’exercer ses droits civils. Le titulaire du livret doit par exemple attendre trois ans pour avoir le droit de voter sur une commune et une commune peut refuser de domicilier plus de 3% de SDF sur son territoire. La HALDE [7] a déclaré que ce dispositif instaure manifestement une différence de traitement au sens de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement, lequel est prévu par l’article 2 de son protocole n°4 qui dispose que « quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence  ». Parallèlement, le Code électoral prévoit que «  les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement sont inscrits sur la liste électorale de la commune où est situé l’organisme d’accueil dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d’identité.  » (art. L15-1)

Il y a plusieurs types de livret de circulation :

  • le « livret spécial de circulation » (art. 2), délivré aux voyageurs inscrits au registre du commerce ou au répertoire des métiers. Selon la loi de 1969, il s’applique aux « personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l’Union européenne » et voulant exercer une activité ambulante ; cela comprend notamment les forains. Le contrôle de l’État est partiellement relayé par les employeurs, qui sont tenus de vérifier que leurs employés détiennent ces documents ;
  • le « livret de circulation » (art. 3 et 4), qui est délivré aux personnes de plus de 16 ans logeant « de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile » qui « justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales d’existence notamment par l’exercice d’une activité salariée » ; cela peut inclure, par exemple, des travailleurs saisonniers vivant dans leur véhicule. Notons qu’en raison du justificatif de ressources régulières requis, tous les « traveller’s » ne peuvent pas obtenir un tel livret. La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 (art. 11) a aussi introduit la possibilité de fouiller les véhicules, suscitant un problème pour les personnes dont le véhicule est leur domicile par le viol de l’intimité et de la vie privée(art. 78-2 du Code de procédure pénale régissant les contrôles d’identité).
  • le « carnet de circulation » (art. 5), qui est délivré aux personnes qui sont dans le même cas que celles ayant un livret de circulation, mais qui ne peuvent justifier de ressources régulières. Celles-ci sont particulièrement contrôlées, puisqu’elles sont passibles d’une peine d’emprisonnement de trois mois à un an si elles circulent sans ce carnet.

Les étrangers, qui sont aussi soumis à ces obligations, doivent justifier « de façon certaine » de leur identité afin d’obtenir l’un de ces livrets (art. 6). Les bateliers sont exemptés de l’obligation d’obtenir un tel livret (art. 12).

Bien que théoriquement obligatoire pour toute personne sans domicile fixe, dans la pratique, il vise une population pour qui l’habitat mobile est culturel. Il est régulièrement assimilé à la notion de Gens du Voyage [8] alors que l’on peut tout à fait, par exemple, être habitant de caravane et être domicilié chez un parent ou un ami. Il est parfois demandé abusivement pour accéder à une aire d’accueil et certains voyageurs le considèrent comme lié à leur identité culturelle. Il ne donne aucun avantage particulier si on a la possibilité d’être domicilié ailleurs.


B. Multiplication des statuts d’habitants vers des inégalités à la carte :

Conformément aux principes constitutionnels, la loi française ne comporte aucune connotation ethnique ou communautariste. Par contre la pratique et la forêt législative sont tout autres.

Bien que la caravane ou autre type d’habitat léger ou mobile est interprété par le Conseil d’État comme le domicile de ses occupants [9] jamais le législateur n’a voulu employer le terme logement excluant ainsi ses occupants du cadre du droit au logement. Est-il utile de rappeler la requête de plusieurs associations à l’automne dernier pour le droit à la trêve hivernale, les innombrables contentieux autour de la question du raccordement aux réseaux, des expulsions sous astreintes ? Et oui, on te demande de démolir ton unique toit ou bien tu payes. Difficile de parler ensuite du caractère sacré du logement, "d’une exigence d’intérêt national". Également l’occupation sans droit ni titre de terrains nus est considéré comme un délit pénal a contrario de l’occupation de bâtiment qui se réfère au code civil.

I. Le « Sans Domicile Fixe » [10]

Depuis 1983, en France, le sigle « SDF » remplace la notion de vagabond, ou chemineau (celui qui « fait le chemin »), si présent dans la vie du XIXe siècle. Le sigle vient de la terminologie policière : c’était une mention notée dans les formulaires en lieu et place de l’adresse de la personne contrôlée. À l’origine il pouvait aussi s’agir d’une personne habitant « chez des amis » ou en transit.

Le décret de 1970 précise que sont considérées comme Sans Résidence Fixe les personnes qui ne sont ni propriétaires ni locataires d’un logement garni de meubles leur appartenant. Juridiquement, une personne n’ayant pas de domicile fixe n’est pas forcément un « sans-abri », mais quelqu’un qui doit se doter d’un livret ou carnet de circulation.

Selon l’INSEE, « une personne est dite sans-domicile un jour donné si la nuit précédente elle a été dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes : soit elle a eu recours à un service d’hébergement, soit elle a dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation (rue, abri de fortune) ». Cette situation aurait concerné une personne sur vingt au cours de sa vie, soit environ 2 500 000 personnes (5 % de la population). Les situations sont très variables quant à la durée (moins de 3 mois pour 24 % des personnes jusqu’à plus de 3 ans pour 18 %) et quant aux solutions mises en place (hébergement chez un proche pour 78 %, service d’hébergement pour 14 %, lieux non prévus pour l’habitation pour 11 %). On compte également 38 000 personnes à l’hôtel et au moins 79 000 hébergées chez des particuliers [11].

Les personnes Sans Domicile Fixe doivent suivre la procédure de l’élection de domicile, recevant une attestation auprès des Centres Communaux (ou intercommunaux) d’Action Sociale (CCAS). Ils doivent se doter d’un livret de circulation qui leur sert de justificatif de domicile (par exemple pour obtenir un passeport). Dans la pratique, ce n’est que rarement qu’il est délivré à des personnes non-tsiganes. La confusion entre la définition employée par L’INSEE et la définition juridique « SDF » épargne à de nombreuses personnes de prendre ce livret.
L’administration considère que la situation de SDF n’est qu’un accident social passager et pratique de ce fait la discrimination ethnique sans vergogne.

II. Le « Gens du Voyage » [12]

Le terme générique « Gens du Voyage » est une dénomination administrative désignant une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre. Cette dénomination est apparue dans les années 70.

Présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, les « Gens du Voyage » apparaissent en pratique comme un groupe identifié ayant en commun d’être victimes des mêmes différences de traitement, du fait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la communauté Tzigane. Cette appellation incite à penser que la personne désignée n’a pas d’attache territoriale. Situation en réalité très exceptionnelle.

Le dénombrement des « Gens du Voyage » constitue une entreprise difficile : d’une part, la très grande diversité de cette population rend délicate toute classification qui par ailleurs n’est pas souhaitable ; d’autre part, il n’existe pas de terme permettant de définir de manière indiscutable des catégories de personnes pouvant être regardées comme des itinérants. Les enquêtes réalisées par le ministère de l’intérieur en 1989 ont permis de recenser le nombre de possesseurs d’un livret de circulation. Dans ce rapport nous y lisons : « Si les personnes recensées comme étant titulaires de l’un de ces documents administratifs ne sont pas toutes des gens du voyage, néanmoins, par extrapolation, le nombre de ces derniers a pu être évalué à 140 000 personnes  ». Il convient, en outre, de prendre en compte les personnes qui ne sont pas titulaires d’un titre de circulation. Au total, le nombre de 450 000 personnes est retenue par les associations et paraît rendre compte de la situation actuelle. Soit trois fois plus que la population de l’Ariège et pas un seul élu pour les représenter.

La loi du 5 juillet 2000 dite la « loi Louis Besson sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage » était sensée offrir un véritable cadre juridique volontariste pour l’accueil des habitants de résidences mobiles, et mobiliser des moyens financiers sans précédent pour aider les communes à réaliser des aires de stationnement, tant en investissement qu’en fonctionnement [13]. Elle a deux objectifs : permettre aux nomades d’aller et venir librement sur le territoire et de s’installer dans des conditions décentes ; éviter les campements illicites, qui exaspèrent élus locaux et riverains.

Dans tous les départements, le préfet et le président du Conseil général devaient élaborer avant le 6 janvier 2002, après une évaluation des besoins et des réalités, un « schéma départemental d’accueil des gens du voyage ». Des commissions départementales sensées réunir l’ensemble des acteurs concernés les ont élaboré. Ceux-ci doivent traiter l’ensemble des questions posées, particulièrement la scolarisation et l’insertion sociale et économique. Il est également possible d’y prévoir des programmes d’habitat adapté pour des familles sédentaires ou semi-sédentaires. Hélas les collectivités ne jouent pas le jeu et détournent l’intention de la loi en créant des aires d’accueil non-adaptées aux besoins des populations. Nombreuses sont indignes. Les règlements intérieurs discriminants et illégaux, […] obligent les « gens du Voyage » à se déplacer à des rythmes imposées et permettent surtout aux communes d’expulser les campements sauvages mais nécessaires aux besoins des familles (scolarisation, hospitalisation, besoins économiques, lien social, etc.). Dans ces conditions, évidement, elle sont refusée par les intéressés et la formule « terrain familiale » [14], plus adaptée, est la plupart du temps rejetée par les collectivités et ne fait pas parti de ces schémas départementaux.

Avant janvier 2004, toutes les communes inscrites à ce schéma auraient dû avoir réalisé leurs aires, faute de quoi le Préfet pouvait se substituer à la collectivité défaillante. Premier bilan en 2008 : selon un rapport ministériel, 42 % des 42 000 places nécessaires ont été aménagées et certains préfets se contentent de mettre en place des médiations, les autres ne font rien. Pire encore, la législation permettant les expulsions arbitraires s’est renforcée avec les lois de prévention de la délinquance et de sécurité intérieure qui ont suivi. La loi Besson prévoit également des pouvoirs pour les communes ayant réalisé ou financé des aires d’accueil. Elles peuvent prendre un arrêté qui interdit aux nomades de stationner en dehors des zones prévues à cet effet ; et qui permet aux maires de saisir la justice, même lorsqu’il s’agit d’un campement sauvage sur un terrain privé. La loi contient par ailleurs des dispositions pour raccourcir les délais d’instruction de la procédure d’expulsion. A se demander si la loi ne sert pas plus à cantonner les voyageurs dans des espaces définis et de donner le pouvoir de les expulser partout ailleurs.

L’article 8 de la nouvelle loi qui modifie le code de l’urbanisme vient confirmer l’obligation pour toutes les communes disposant d’un Plan d’Occupation du Sol (POS) de prévoir la «  satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat […], y compris ceux des gens du voyage ».

Les personnes exerçant une activité commerciale non sédentaire ainsi que les personnes dites « Gens du Voyage » sans domicile fixe ont obligation de se déclarer aux services de la commune à laquelle elles souhaitent être rattachées et prendre un livret de circulation. Cette démarche s’inscrit dans une tendance ancienne de l’État en France, remontant à l’Ancien Régime, qui vise à contrôler le nomadisme et le vagabondage.

III. Le « sans abris »

Selon l’INSEE en 2011, il y a environ 90 000 sans abris en France, 17 % d’entre eux sont des femmes, et 20 % ont moins de 25 ans. Parmi les SDF âgés de 16 à 18 ans, la proportion de femmes atteint 70%... Ils sont difficiles à dénombrer, car les sans-papier et les invisibles sont compliqués à répertorier. Souvent obligés par leur situation à se cacher, les « forces de l’ordre » et les services sociaux sont souvent considérés comme des personnes à éviter de rencontrer pour ne pas être délogés voir reconduits à la frontière. Curieusement, la police ne les protège jamais du bourgeois qui râle... (gardiens de la paix qui ne la leur f... pas assez)

Dans une étude pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes), Michel Autès note que dans la presse écrite, «  le sigle « sdf » est le plus souvent associé à des connotations en termes de criminalité  » alors que « l’usage du terme sans-abri va davantage apparaître dans un contexte de compassion pour les victimes de la pauvreté  » et que « les termes sans-logis et sans-domicile vont être mobilisés dans des contextes argumentatifs, au sein d’un débat sur les causes de l’errance ou l’efficacité des politiques de logement » [15]

Les sans-abri sont souvent dits « en situation d’exclusion sociale », bien que ce terme prête à débat : beaucoup de sans-abri travaillent (CDD ou intérim) et peuvent donc difficilement être qualifiés de « marginaux », comme si cette situation de précarité était de leur fait.

En France, selon le Code pénal de 1810 (art. 269 à 273), le vagabondage était un délit réprimé de 3 à 6 mois d’emprisonnement. L’art. 270 donnait la définition juridique suivante : « Les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n’exercent habituellement ni métier, ni profession. » Ces trois conditions devaient être réunies pour qualifier le délit de vagabondage, excluant dès lors les nomades, qui ont fait l’objet d’une loi spécifique en 1912. Ce n’est qu’en 1992 que le législateur a abrogé le délit de vagabondage de 1810.

IV. L’Habitat Choisi :

Plusieurs associations insistent pour que le logement en résidence mobile ou légère ne devienne pas un prétexte pour éviter la construction de logements sociaux. Il est important que le développement de l’utilisation de l’habitat léger ne se fasse pas faute de mieux. Ces utilisateurs doivent pouvoir accéder à un logement « classique » s’ils le désirent. Elles insistent sur la volonté des habitants de ces résidences pour déterminer son statut. Elles précisent également que l’habitation itinérante ne perd pas cette qualité par son stationnement en un même lieu durant une partie de l’année.

Il serait bien sûr réducteur de systématiquement stigmatiser un habitat léger comme étant un habitat précaire. Il est essentiel de tenir compte du fait que le choix de l’habitat d’une personne peut être, sinon le résultat d’un choix relatif à sa condition économique et à ses liens sociaux, lié à des choix politiques et/ou culturels ou tout simplement lié à l’idée que chacun se fait du confort. En bref, certaines personnes refusent un logement conventionnel et il leur est interdit de vivre leur choix.

Le terme "habitat choisi" est délicat à employer. Par exemple, j’ai choisi

de vivre en Ariège avec un jardin mais je n’ai certainement pas choisi d’accepter la pression foncière, le taux de résidences secondaires, la spéculation, la productions d’habitats polluants, la propriété des outils de productions et de subsistances dans quelques mains, les élus corrompus ou racistes du coin... Pour répondre à mon premier choix, la caravane, la yourte, la cabane sur un terrain non constructible est pour moi une solution acceptable. Finalement, les termes "choisi/subi" peuvent servir à nous distinguer socialement les uns les autres, à nous désolidariser face à machine à spéculer, à servir l’intérêt d’un système social et économique qui exclu [16]. De plus en plus de personnes se retrouveront à "choisir" d’habiter en Habitat Léger dans ce contexte. Le rouleau compresseur de la consommation, de la croissance économique, amène évidement à penser à beaucoup d’entre nous qu’une forme de décroissance et de réduction des besoins fabriqués par la société de consommation est une solution. Par contre, il est impossible de nier les 3 millions de mal logés, le taux d’effort pour avoir un logement en inéquation avec les salaires et la précarisation du marché de l’emploi.

La grande majorité des dossiers sur lesquels on m’interpelle (une ou deux dizaine par mois depuis plusieurs années) me font relativiser le mot "choisi" qui ne peut exister que dans un contexte. Ce critère est subjectif car il concerne des sujets et l’utiliser comme une analyse objective risque de déshumaniser et marginaliser le débat.


C. Le bric et broc d’installations possibles pour des habitats légers ou mobiles, une législation inadaptée.

Les habitats légers et mobiles ont toujours existé et répondent à certains besoins de notre société.

Que ce soit des cabanes ou des roulottes, ils ont toujours répondu à des besoins de pastoralisme, de commerce, de culture... [17] Parfois également la nécessité poussent des personnes à choisir ce « mode d’habiter ».

Au nom d’une volonté de protection, de ne vouloir laisser personne sur le bord de la route, au nom d’une conception d’un urbanisme durable, plus sédentaire que nomade, le législateur a, soit discriminé leurs usagers, soit les a ignoré les laissant sans droits, en proie du pouvoir discrétionnaire.

I. L’« occupants sans droit ni titre » 

Un squat peut héberger une personne seule comme plusieurs dizaines, dans un appartement de centre-ville, une friche industrielle de banlieue ou un site rural. Les conditions de vie peuvent y varier en fonction de l’état initial du site, des moyens et des motivations des occupants : jeunes fugueurs refusant d’intégrer un foyer, migrants, artistes sans atelier, travellers, nomades, habitants de résidence mobile ne trouvant pas ou refusant une aire d’accueil, sans domicile fixe, militants de la cause libertaire, personnes recherchant un espace de vie sociale, collectif et/ou communautaire.

Depuis 2001, des projets de criminalisation de l’occupation sans droit ni titre sont apparus à diverses reprises et ont généralement été retirés ou vidés de leur substance suite aux controverses et protestations, notamment d’associations pour le droit au logement. Les lois sur la “sécurité intérieure” votées en 2001 prévoyaient de transformer l’occupation de bâtiments vides en délit. Finalement seul le délit d’occupation de terrain nu, visant les nomades, a été retenu. Rien de surprenant lorsque l’on voit les propos que ces mêmes législateurs ont tenu par la suite. Plusieurs organisations critiquent les mesures prises contre les gens du voyage dans le cadre de la Loi pour la Sécurité Intérieure de 2003 [18] et la loi pour la prévention de la délinquance de 2007 [19]. Dans le même esprit la loi LOPPSI2 prévoyait d’étendre la question aux cabanes. Pour celle-ci, la mobilisation a été gagnante et l’article scélérat n’a pas passé la dernière barrière du Conseil Constitutionnel. D’une manière plus générale, beaucoup dénoncent l’amalgame entre « Gens du Voyage » et « délinquance » que ces nouvelles lois alimentent.

On peut considérer que le squat participe à la construction d’un modèle d’économie alternative. Et de fait, l’occupation a souvent pour première cause des raisons pécuniaires : des individus, familles ou groupes de personnes cherchent un endroit où vivre, alors qu’ils ne peuvent pas payer de loyer.

Par exemple, en France, les premiers squatteurs sont apparus après la Seconde Guerre mondiale. Pour protester contre les obstacles administratifs qui freinaient la mise en œuvre de la loi de réquisition, ils procédèrent à l’occupation de logements vides. Issu du Mouvement populaire des familles, lui-même proche de la Jeunesse ouvrière chrétienne, ce mouvement est né à Marseille avant de gagner d’autres villes de province. En cinq ans, quelque 5 000 familles ont ainsi été relogées. Ces occupations s’accompagnèrent de campagnes de presse et d’actions militantes qui sensibilisèrent l’opinion publique à la question de la crise du logement.

Cet exemple montre clairement que les problématiques économiques et politiques ne sont, en dernière analyse, pas dissociables. [20] Alors, du caritatif au militant, nombreux sont ceux qui définissent le fait de squatter comme l’expression d’un mouvement social revendiquant le droit à une vie avec un toit sur la tête.

II. L’« habitant permanent de terrains de camping » :

(voir aussi)
Dès les années 50, le camping est considéré par décret comme « une activité d’intérêt général librement pratiquée ». Il se développe et permet ainsi à de nombreuses personnes de partir en vacances avec des revenus modestes. Peu à peu des terrains sont aménagés et nous voyons apparaître de plus en plus d’interdiction de camper en dehors de ceux-ci. Pour diverses raisons, aujourd’hui, environ 100 000 personnes vivent à l’année sur ces terrains [21]. Ses occupants sont, pour la plupart, victimes du taux d’effort demandé aux familles pour avoir un toit sur la tête et de la précarité du marché de l’emploi.

Il y a des jeunes qui s’installent sur certains terrains en relation avec leur période d’études ou de travail estival, des couples avec ou sans enfants qui voient dans le camping un endroit permettant de mettre de l’argent de côté pour regagner le logement classique. Nous y trouvons aussi des personnes seules suite à une rupture (chômage, divorce, décès…), également des retraités qui sont de plus en plus nombreux à faire le choix d’habiter à l’année dans ce qui fut leur résidence secondaire... Nous y rencontrons également certaines personnes qui ont pleinement choisi ce type d’occupation du territoire et l’assume complètement.

Selon le Code du tourisme : « Les terrains aménagés de camping et de caravanage sont destinés à l’accueil de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et d’habitations légères de loisirs. Ils sont constitués d’emplacements nus ou équipés de l’une de ces installations ainsi que d’équipements communs.
Ils font l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière et accueillent une clientèle qui n’y élit pas domicile.
Ils doivent disposer d’un règlement intérieur conforme à un modèle arrêté par le ministre chargé du tourisme
. » (Article D331-1-1)

Grâce aux petites explications suscitées nous comprenons qu’il est autorisé de vivre à l’année sur un terrain de camping mais pas d’y établir domicile. Il faut donc théoriquement être domicilié ailleurs (CCAS, association, famille, ami). Par contre, il n’est pas possible de réclamer les droits attachés au logement. À tout moment le campeur peut être expulsé sans préavis, les tarifs augmentent au bon plaisir du gérant, l’accès à l’eau et à l’électricité est souvent prohibitif et, cerise sur le gâteau, le terrain étant privé, il est possible de se voir interdire les visites.

Les problèmes se compliquent également lorsque l’occupant est propriétaire de son HLL [22]. Nombreux se sont vu devoir laisser leurs mobile-homes avec ses extensions malgré des installations datant de plusieurs décennies avec des accords oraux des gérants. À ce sujet, HALEM et le DAL ont attaqué le propriétaire du camping d’Allincourt dans l’Oise (une des plus grosse fortune de France) et ont obtenu des indemnités pour les personnes évincées.

La Caisse d’allocation familiale accorde des allocations de logement à la condition que la personne n’est pas propriétaire de son habitation et que celle-ci n’a plus ses moyens de mobilité (en retirant les roues par exemple). Selon la définition juridique cet habitant est un « Gens du Voyage » sans carnet de circulation. Il touche des allocations de logement mais est sans domicile. Il est expulsable à tout moment et ne peut pas prétendre aux protections attachées au logement. Nous sommes bien en face d’incohérences, à des dérogations et des inégalités face aux droits, liée à des règlements inadaptés...

En janvier 2012, une proposition de loi a été retoquée grâce à la mobilisation des associations militantes. La loi dite « Léonard » [23] prévoyait : « En cas de location dans un terrain de camping et caravanage ou un autre terrain aménagé à cet effet d’un emplacement, équipé ou non d’un hébergement, pour une durée supérieure à trois mois, le locataire fournit au loueur un justificatif de domicile de sa résidence principale datant de moins de trois mois. Le premier alinéa n’est pas applicable en cas de relogement provisoire effectué à la demande ou avec l’accord du maire de la commune d’implantation du terrain.  » (Art. L. 335-1 (nouveau)).

Le projet de loi ne prévoyait aucune disposition pour reloger l’équivalent du département de la Lozère ainsi expulsé. Elle donnait également un pouvoir discrétionnaire aux maires pouvant choisir de garder ou non ses pauvres sur sa commune.

propositions de HALEM : Protection des occupants de terrains locatifs

III. Les terrains familiaux

La demande de terrain familial est une réalité nécessaire à prendre en compte dans l’aménagement de structures adaptées aux habitants de résidences mobiles. Cette forme d’habitat adapté représente en effet une typologie intermédiaire entre l’habitat traditionnel et le strict nomadisme qui permet aux habitants d’HL un ancrage territorial qu’ils revendiquent fortement.

Bien avant l’arrivée de la loi Besson, plusieurs associations solidaires des « Gens du Voyage » demandaient plus de cohérence au législateur afin qu’il prenne en compte la réalité quotidienne des habitants de résidences mobiles. Ces terrains peuvent être publics ou privés. C’est également sous le terme « terrain familial » que nous sommes nombreux à nommer les installations sans autorisation sur des terrains non constructibles.

Rares sont les voyageurs sans attaches territoriales, et la solution des aires d’accueil incluant l’obligation de mobilité imposée par des règlements intérieurs, n’est que rarement adaptée. Les déplacements se font au rythme de l’économie de la famille, de la scolarité des enfants, des liens sociaux etc.

Hélas, la tendance générale des collectivités territoriales (mairies, communautés de communes, Conseils Généraux) est d’éloigner le plus possible les habitants de caravanes de leur territoire et nous voyons fleurir des communes qui se réfugient derrière leur aire d’accueil pour ne pas prendre en compte la réalité du phénomène de l’HL.
Les données statistiques retenues par le législateur au moment de la loi Besson de 2000 sont les suivantes [24]. . Elles sont quasiment unanimement contestées par les associations

  • les itinérants, catégorie correspondant à ceux qui se déplacent de façon permanente, sont évalués à 70 000 personnes ;
  • les semi-sédentaires, constitués de ceux qui se déplacent une partie de l’année et sont stabilisés le reste de l’année sur un même site, estimés à 70 000 personnes ;
  • les sédentaires, fixés localement et ayant en principe cessé de voyager, au nombre de 110.000 personnes.

La circulaire n° 2003-76 du 17 décembre 2003, relative aux terrains familiaux crée la notion de terrains familiaux publics à objet locatif pour permettre l’installation de caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. Ce type d’installation peut se situer en zone d’urbanisation future, ainsi que sur des zones naturelles dites « banales ».

Le financement s’inscrit dans les mêmes conditions que les aires d’accueil soit 70 % de la dépense totale hors-taxes calculée suivant les mêmes normes techniques que celles retenues pour les aires d’accueil. Cela se traduit aussi par l’instauration pour ces projets d’un plafond de dépense subventionnable de 15 245 € par place de caravane. Les terrains familiaux doivent être réalisés par les collectivités locales.

Grâce à cette circulaire, nous avons pu voir naître des terrains familiaux, hélas toujours insuffisants [25]. Et nous constatons que nombre d’entre eux sont indignes (proches d’une déchetterie, d’une double voies...) et que leur aménagement laisse à désirer (goudronné, sans arbre...). L’éloignement des services urbains (écoles, hôpitaux, épiceries...) rendent compliqué la vie des familles installées car, malgré les discours en juillet 2010 d’Hortefeux [26] alors ministre de l’intérieur, celles-ci n’ont que très rarement deux véhicules pour aller travailler souvent très tôt le matin et s’occuper de la vie de famille.

Il va sans dire que leurs utilisateurs payent une location mais ne touchent des allocations que lorsque qu’ils ne sont pas propriétaires de la caravane (ce qui est plutôt exceptionnel). Ils ne peuvent pas prétendre à un bail locatif car leur contrat d’usage est une convention particulière et interne à un règlement intérieur. Ils sont souvent confiés à un gérant privé qui a plutôt une approche sécuritaire de la question que sociale.

Malgré ces mauvais exemples, nous sommes nombreux à penser que cette formule est une solution qui pourrait devenir acceptable si elle était pensée autrement. En réalité, rien n’interdit des yourtes, des tipis, des auto-constructions légères ; rien n’empêche l’installation d’espace commun, des terrains de jeu, de jardins etc. . Aucune loi ne peut être destinée à une population cible et au nom du droit commun, une population non-tsigane peut utiliser ces dispositions. L’association HALEM [27] s’est saisie de cette cette question et propose depuis 2007 de les appeler « Terrains de Vie ».

Le 15 octobre 2010, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a enjoint le préfet de la Haute Loire d’attribuer dans le cadre du Droit au logement opposable (DALO), soit un habitat adapté, soit un terrain familial à une mère de deux enfants coincée sur une aire d’accueil des gens du voyage. Ce jugement précise trois points jusqu’à lors assez flou

  • Les aires d’accueil sont des lieux d’habitats temporaires uniquement destinés à faciliter le stationnement des itinérants.
  • Un bénéficiaire du DALO peut légitimement refuser des propositions de logements sociaux ne correspondant pas à sa situation. En l’occurrence un propriétaire de caravane n’est pas obligé d’abandonner sa résidence mobile pour entrer dans un HLM classique.
  • Un terrain familial fait parti des possibilités offertes au préfet pour répondre aux besoins de logements.

Le sénateur Hérisson (président de la commission consultative de « Gens du voyages ») a promis récemment qu’il allait proposer dans quelques mois d’intégrer dans les prochains schémas départementaux « des Gens du Voyage » les demandes de terrains familiaux. Ces schémas doivent être révisés tous les six ans et pour la très grande majorité, ceux-ci viennent de se faire. La question est donc reportée aux calendes grecques et vu les difficultés que mettent ensuite les communes à se mettre en conformité, il est difficile de compter sur le processus qu’il propose pour faire avancer la question avant une bonne dizaine d’années si les associations ne mettent pas une bonne pression.

Le schémas départemental de l’Ariège est prévu pour 2014 et nous sommes déjà en discussion pour y intégrer tous les HL sans discrimination afin d’arriver à obliger les communes à tenir compte des besoins.

Des discussions sont également en cour pour créer une structure de financement solidaire afin d’acquérir des parcelles destinées à cet habitat.

IV. installations illicites :

L’utilisation du mot « illicite » n’est bien entendu pas joyeux. Il incite à baisser les bras, à ne pas creuser plus loin. Ce n’est pas parce que nous sommes en infraction au code de l’urbanisme que nous ne pouvons discuter de l’application à la lettre des textes définissant l’infraction.

Depuis quelques années, le législateur favorise une exécution rapide des expulsions par différents textes de loi. Il est possible, urgent et légitime de les contester. Par exemple, dans le cadre d’un procès dans les Pyrénées Orientales nous contestons la constitutionnalité de l’article L160-1 al. 1 du code de l’urbanisme, particulièrement odieux. Il a introduit en 2007, sans vergogne, qu’en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, la personne accusée devra détruire lui même son logement, payera une amende allant de 1200€ jusqu’à 6000€ du m2, une astreinte pouvant aller jusqu’à 75€ par jour de retard d’exécution et, en cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. La criminalisation de la pauvreté, avec les gouvernements successifs depuis 2002 atteint un degré de cynisme qui ne peut plus permettre au juge de peser les priorités. Quelques jugements ont été favorables pour des yourtes mais dans l’ensemble, c’est un recul. [28]

Ce sont des lois qui touchent tous les habitants qui ne sont pas titulaires d’un permis de construire, comme les habitants de bidonvilles, de campements, de cabanes, de toute formes d’habitat choisi léger, ainsi que beaucoup de propriétaires de maisons dans les DOM-TOM, même lorsque les occupants sont propriétaires du terrain. Rappelons qu’avec ces lois c’est la première fois que les Pouvoirs Publics ont traité la question des bidonvilles par l’expulsion et non par le relogement. C’est un virage important si l’on pense par exemple à la loi Vivien, qui, dans les années 1970, organisait la résorption des bidonvilles par le relogement et celle de 2000 qui organise le relogement des habitants de logements insalubres, en péril ou précaires. Ces textes déplacent les problèmes. Que vont devenir celles et ceux qui seront expulsés dans le cadre de ces nouvelles lois parfois sans jugement, sans procédure contradictoire, en violation des principes légaux protégeant le domicile ? Ils s’installeront un peu plus loin et seront de nouveau chassés, pourchassés et endentés à vie ?

Il n’est pas possible ni même sûrement souhaitable de chiffrer les personnes en infraction au code de l’urbanisme. Chacun se cache en espérant ne pas recevoir un commandement de quitter les lieux.
Je me garderais bien donc de donner des chiffres afin de ne pas participer à accélérer la machine à punir à laquelle les gouvernements de ces dix dernières années nous ont habitué mais je constate une forte augmentation des contentieux ces derniers temps.


Des conclusions ?

Il est temps d’abandonner l’idée qu’il n’existe qu’un seul modèle d’habitat pour tous.

Quand quelque chose ne fonctionne pas, il est plus productif de s’interroger sur les raisons du problème afin de le résoudre plutôt que d’exclure et accuser les pauvres d’en être les facteurs. La question du logement est systémique et ce qui est arrivé n’est pas une fatalité climatique mais est lié à des choix politiques passés. Il a l’air aujourd’hui impossible qu’un quelconque gouvernement trouve les moyens de produire suffisamment de logements accessibles dans des délais acceptables au regard de la situation. Alors, de la petite fenêtre de ma caravane, lorsque je vois se profiler une expulsion pour infraction au code l’urbanisme, je m’insurge et demande pourquoi on ne nous laisse pas tranquilles. Le « sans abris » dans sa tente a à peu prêt le même réflexe lorsqu’il voit « les bleus » débarquer pour le déloger alors que cela fait des années qu’il cherche un logement et qu’il s’est retrouvé licencié à cause d’une délocalisation, qu’il y a 4,2 million de chômeurs, 2 million de RSA , 1,2 million de ménages inscrits sur les listes d’attente du logement social.

Et pourtant la question de l’implantation d’HL tend à devenir une forme de sortie politique de la crise. Un habitat amovible, léger, pas cher et le plus confortable possible a moyen d’évoluer et la précarisation ressenti par leurs utilisateurs est surtout attaché à la peur de se voir expulser. La perspective autonomisante est intéressante dans un contexte de pénurie de logements sociaux et où l’on dénonce en même temps « l’assistanat ». La responsabilité de l’État avec ses politiques de logement successives est incontestable. Outre la nécessité, pour la grande majorité de ses occupants, le choix de l’HL permet parfois de se rapproprier une certaine autonomie, un pouvoir d’achat supérieur, et parfois même une cohérence avec ses idéaux. Il peut permettre également de se sortir d’une situation délicate provisoire voir même de s’installer progressivement sur un territoire où l’acquisition d’un logement aurait été impossible. Loin de l’ériger en modèle, c’est une solution face l’impossibilité structurelle de pouvoir choisir. Faut-il l’accompagner plutôt que la punir ?

Par quoi commencer ? En faisant sauter les blocages administratifs qui empêchent l’application des règles de droits communs à ce type de logements bien réels ? En inscrivant les règles d’urbanisme en conformité avec les besoins prioritaires de notre société ?



[1Le Conseil Constitutionnel l’a rappelé dans son avis du 19 janvier 1995 où il a souligné : « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle », se référant au préambule de la Constitution de 1946.

[2Le droit au logement opposable (DALO) génère la possibilité, pour toute personne sans domicile et résidant de façon régulière sur le territoire français, d’entamer un recours contre les pouvoirs publics dans le cas où les démarches entreprises en vue de l’obtention d’un logement social connaîtraient une stagnation anormale.

[4Audience publique du 23 mai 1995 Rejet N° de pourvoi : 94-81141

[5L’expression "droit positif" désigne l’ensemble des règles de droit effectivement en vigueur dans un État ou un ensemble d’États. Cette notion, qui sous-entend généralement que les règles de droit sont issues des hommes eux-mêmes et non pas de la nature ou d’une divinité, s’oppose à celle de "droit naturel".

Le droit positif est écrit et publié. Son respect est sanctionné par le recours aux juridictions chargées de l’appliquer. Il est constitué de l’ensemble des documents juridiques officiels : lois, décrets, règlements administratifs, règles de procédure et jugements. Ses sources peuvent également être la coutume et la jurisprudence.

Le droit positif est un droit vivant qui évolue en fonction des époques et des société. Le positivisme légaliste considère que le droit positif émane des autorités politiques et se suffit à lui-même. Pour le positivisme sociologique, le droit positif est l’expression de la société. Il se comprend en observant la société.

[6Le carnet anthropométrique d’identité pour nomades était obligatoire dès l’âge de 13 ans. Tous les déplacements devaient y être déclarés , rendant possible une étroite surveillance de ces populations. «  Il doit, en outre, recevoir le signalement anthropométrique qui indique notamment la hauteur de la taille, celle du buste, l’envergure, la longueur et la largeur de la tête, le diamètre bizygomatique, la longueur de l’oreille droite, la longueur des doigts médius et auriculaires gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, la couleur des yeux : des cases sont réservées pour les empreintes digitales et pour les deux photographies (profil et face) du porteur du carnet. ». Il a facilité le décret du 6 avril 1940 pour suivre les instructions allemandes d’interdiction de la circulation puis d’internement des nomades dans des camps français suivi de déportations massives. Malgré la reconnaissance du génocide tsigane par l’Europe en 2011, la France refuse encore d’aborder le sujet.

[7La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, également connue sous son acronyme Halde, était une « autorité administrative indépendante » française créée en 2005 et dissoute en 2011. Elle était compétente pour se saisir « de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international »

[8Voir plus bas dans le texte

[9CE, 2 déc.1983, Ville de Lille c/Ackermann, Dalloz, 1985, p.388, note R.Romi : illégalité d’un arrêté de police pris par le maire Lille autorisant les forces de l’ordre à procéder à la visite des voitures des nomades.

[10SDF : également appelé à juste titre par des militants : « Social Dénominateur Facile ».

[11INSEE , janvier 2011

[12Le terme "Gens du voyage"ne souffre pas le singulier et nous oblige, pour désigner une personne, à utiliser une phrase ambiguë faisant référence à une communauté. C’est pourtant d’un mode d’habiter dont il est question et concerne une population très hétérogène. Le "du voyage" implique que les habitants de résidences mobiles n’ont pas besoin d’attache territoriale alors que la réalité est tout autre.

[13L’État finance 70 % des dépenses engagées pour réaliser ou réhabiliter des aires. Il accorde aussi une "aide forfaitaire à la gestion des aires d’accueil", d’environ 10 000 francs par an et par place.

[14Voir plus bas dans le texte.

[15Autès M., « Les représentations de la pauvreté dans la presse écrite », Les travaux de l’ONPES 2001-2002, La Documentation Française, p. 113.

[16Karl Marx, Manifeste communiste 1848 : « Dans la société bourgeoise, le capital est indépendant et personnel, tandis que l’individu qui travaille n’a ni indépendance, ni personnalité !  »

[17Voir Le Marchand, Arnaud, Enclaves Nomades, Habitat et travail mobiles, Paris, Editions du Croquant, coll.« Terra », 2011..

[18« La nouvelle infraction d’installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d’y établir une habitation est passible d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende. Deux peines complémentaires sont prévues : la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et, le cas échéant, la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l’infraction, à l’exception des véhicules destinés à l’habitation. La saisie du véhicule ayant servi à commettre l’infraction peut intervenir immédiatement. Seul le tracteur de la caravane peut faire l’objet d’une saisie et d’une confiscation.  »

[19Dans ses articles 27 et 28, le préfet peut faire évacuer le campement dans un délai de 24h à la demande de la mairie, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage en cas d’atteinte à la salubrité ou la sécurité ou la tranquillité publique. Sans jugement et sans que la loi n’ait clairement défini la tranquillité publique.

[20«  Derrière les problèmes économiques, se profile la question du partage. Toujours ! […] Bref, plus un économiste dit qu’il ne parle pas de politique, plus il en parle, et plus le Prince dit qu’il ne fait qu’appliquer des lois économiques, plus il fait de la politique. C’est toujours bon à savoir avant de mourir à la guerre économique ». (2003. Antimanuel d’économie, Bernard Maris)

[21Dans son rapport « Le camping aujourd’hui en France entre loisir et précarité », France Poulain

[22Habitation Légère de Loisir

[23Député UMP maire de la commune de Châtelaillon-Plage en Charente-Maritime. La commune a à peine 5% de logements sociaux au lieu de 20%. et son économie tourne autour du tourisme.

[24Commission des Lois constitutionnelles, de législation, du Suffrage universel et d’administration générale - Rapport n° 283 – 1996/1997 M. Jean-Paul DELEVOYE, Sénateur.

[25357 terrains familiaux ont été aménagés entre 2004 et 2008, sous différentes formes : terrains familiaux locatifs, maisons individuelles en location (avec maintien ou non des caravanes), accession à la propriété en auto-construction.

[26«  L’exécutif va en outre affecter 10 inspecteurs du fisc afin de contrôler la situation des occupants de ces camps illicites et illégaux, car en effet beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules qui traînent les caravanes ». Une partie du discours d’Hortefeux le 27 juillet 2010

[27Association pour les HAbitants de Logements Éphémères ou Mobiles : « Parmi les personnes qui habitent en habitat léger, que nous appelons des “Halémois” (néologisme, car il n’existait pas de mot spécifique en français) il y a ceux qui veulent vivre dans un habitat “conventionnel” en dur et ceux qui désirent garder ce mode de vie. L’association Halém se propose de représenter et de défendre tous les Halémois. Outre la nécessaire reconnaissance de l’habitat éphémère ou mobile en tant que logement avec les mêmes droits et les mêmes protections que n’importe quelle autre forme de logement, mais aussi avec les mêmes devoirs, nous réfléchissons sur deux pistes convergentes : la possibilité de s’installer sur des terrains non constructibles, et faire évoluer les textes sur les terrains familiaux » un des textes fondateur de HALEM (2006).

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